Molenbeek – Woluwé, même combat
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Molenbeek – Woluwé, même combat2018-06-132018-06-13https://www.sebastiendefooz.com/wp-content/uploads/2018/04/seb_de_fooz_logo.pngSebastien de Foozhttps://www.sebastiendefooz.com/wp-content/uploads/2018/06/img_20180612_001132-e1528889301146.jpg200px200px
Cela aurait été plutôt invraisemblable que dans ce périple urbain, tous les soirs je trouve une porte qui donne sur une chaumière accueillante.
Cette incertitude au quotidien me plonge parfois dans le doute et dans la lassitude.
Après avoir passé deux semaines au sud du canal, j’explore la zone fluviale et celle du Molenbeek historique. Ces quatre dernières décennies, ce quartier a connu une énorme mutation. Il est fortement monoculturel.
Je tente la rencontre dans une demi-douzaine de mosquées. On m’y propose parfois la rupture du jeûne. D’autre fois on me regarde de haut en bas en me précisant: C’est une mosquée ici, Monsieur!
Mon sac à dos n’aide pas, la caméra, je la laisse enfouie dans le fond du sac. Le ramadan, ne me facilite pas la tâche.
Jeudi soir 7 juin, lorsque j’arrive dans le quartier des Etangs Noirs, les possibilités pour trouver un logement semblent épuisées. Peu avant 20h, j’aperçois une porte ouverte qui donne sur une cour arrière. Des jeunes d’origines bigarrées discutent ensemble. Je m’engage dans la cour. Je leur demande l’hospitalité. Ils vont chercher ”quelqu’un” me disent-ils, et ce quelqu’un, c’est Wim Vandekeybus, choréographe mondialement réputé. Il m’écoute avec intérêt et m’invite à passer la nuit dans son studio Ultima Vez. Je suis épaté par ce foisonnement d’inspiration et d’ouverture, tellement rafraîchissant.
Quatre jours plus tard, je retraverse le canal, direction Woluwé Saint-Pierre. Là aussi, le soir venu, je suis à la recherche d’une porte donnant sur autant de germes d’ouverture. J’avais déjà essuyé quelques beaux refus: Mais Monsieur, que croyez-vous?
Finalement, tant qu’à s’adresser à des portes fermées, autant en trouver une avec un porche permettant d’être à l’abri.
Je dors sous le porche d’une église.
Molenbeek – Woluwé, même combat…
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Je salue le courage, l’abnégation, la fraîcheur et l’audace. Il y a aussi dans la démarche quelque chose d’une contre-culture. En effet, chacun aura décelé chez nos congénères, citadins et d’âge mûr, un semblable désir de rencontres au coeur du pays réel, à cette différence près que la plupart des volontaires déclarés se sont fait connaître dans des expéditions rurales à la recherche des lointains. Le propos le plus répandu est plutôt de traverser le continent de part en part, et de préférence au travers de ses régions les plus désolées. Peut être cherche-t-on ainsi à se replonger dans les espaces oubliés, plus réminiscents d’un âge d’or phantasmé où les rapports à la terre et au ciel était simplifiés.
Ce qui me frappe ici, c’est un parti pris opposé à cette mode passablement éculée du retour aux sources qui continue de nourrir l’édition littéraire. Plutôt qu’une expédition centrifuge, Sébastien envisage une expédition centripète. Plutôt que de fuir les contradictions de nos entassements citadins, il ne craint pas de s’y plonger en situation de vulnérabilité et de réceptivité. Ce qui en ressort apparemment, c’est une sorte de pèlerinage de l’inconfort. Un inconfort moral, il s’entend ! Les mots de Cassingena-Trévedy (Cantique de l’infinistère, Ed. Desclée de Brouwer) pourraient s’y appliquer : une expédition qui ne serait pas motivée par “la nostalgie de ce que nous avons été, mais la nostalgie – plus étrange celle-là – de ce que nous eussions pu être”. L’expérience de la différence jusque dans les provocations les plus dérangeantes et les plus intrusives des méandres urbains. L’abandon irréfléchi de tout consensus mou. Le rejet de la possibilité même d’une bien pensance.
Ce qui peut laisser perplexe l’observateur naïf, à ce stade et sans préjuger des surprises à venir, c’est le vague sentiment d’absurde qui pourrait émerger de telles déambulations aux prises avec le chaos ambiant. Il y a indubitablement de la poésie dans le surréalisme à la Belge qu’épouse notre marcheur infatigable. Mais qu’en résultera-t-il ? La potion est amère … à moins qu’elle ne révèle des appétits inconnus. Où donc nous mènes-tu, Sébastien ? Quelle aube se lèvera-t-elle sur la nuit de la cité ? Le même auteur (cf. ci-dessus) prétendait qu’il n’y avait décidément “que les pieds pour laver l’âme”. C’est plutôt un lavage en eaux troubles auquel nous sommes conviés, mais … tel l’Indou pieux qui reste confiant de pouvoir ressortir purifié de ses bains dans un Gange limoneux voire pollué … et, pour ceux qui préfèrent une métaphore “génération 68” : avec l’élan d’un “bridge over troubled water”.
Je me retrouve fort bien dans les réflexions d’Etienne ci-dessus. Cette aventure précuise relatée par Sébastien est bien une image de notre société qui se meurt d’individualisme. Restons-bien dans notre coin, et surtout ne répondons pas à qui frappe à notre porte. Nous voilà avec une civilisation biaisée par la recherche de ‘l’instant privé’, l’immédiat exclusif…
Et me reviennent en tête, à la lecture de Sébastien, les mots de la ‘Chanson pour l’Auvergnat’ de Georges Brassens. “Toi, l’Auvergnat, qui sans façons…”
Merci Sébastien de cette aide à notre réflexion, si pas à notre examen de conscience… Et comme dirait Etienne, cette aide ‘nous laver’ !